Nouveau site pour Lyric'Al

"Lyric'Al" déménage.

Petit à petit les cartons s'empilent puis se vident dans la nouvelle demeure qui comble le vide. L'allure du nouveau lieu est plus sobre, plus confortable, la lecture y est plus agréable, sentir la chaleur au coin du feu les nuits d'hiver ou sur une terrasse sous une légère brise les nuits d'été. La demeure est plus intuitive pour une visite plus aisée... mais comme dans tous déménagements si le décor change on s'emporte toujours avec soi, l'univers reste le même... Jamais verrouillé ce lieu est ouvert à tous et sans invitation mes mots vous accueillent. 

N'hésitez pas à découvrir la version finale de ma nouvelle :
"Ce soir je ne rentrerai pas".


C'est ici : https://alseraphe.wixsite.com/lyrical

Arizona Lounge Café


Extrait 

Partie 3

Voilà quelques jours que Luna transforme nos nuits en tableaux oniriques.
Le soleil vient parasiter mon sommeil. Mon café n'a aucun goût, je le recrache dans le sable qui l'avale sans broncher. La terrasse ne joue plus son rôle protecteur. La chaleur semble s'abriter elle-même de la chaleur. Le souffle chaud du vent soulève des nuages de tourbillons de poussières. Face à moi les saguaros se contractent, leur réserve d'eau est au minimum. Les fleurs des virevoltants meurent. Bientôt les soudes brûlées cracheront dans le paysage des boules sèches à la recherche d'un abreuvoir.

Une voiture s'arrête chez Joe, la station-service sort de son sommeil. Un homme à l'allure de banquier n'en revient pas d'atterrir dans ce paysage désolé. On s'attendait à une telle présence autant que celle d'un dauphin gigotant entre les cactus. Luna sort du motel et vient l'accueillir.

Le motel n'en était pas vraiment un. Une allonge de trois chambres avait été accolé à la station de Joe et sa femme se chargeait de l'accueil, il faut dire qu'elle ne se faisait pas beaucoup bousculée. Il y a eu bien quelques égarées à la recherche d'un toit pour la nuit. Le plus souvent elle accueillait des passeurs de drogues en provenance de la frontière mexicaine. Pas de problèmes avec ceux-là, pour tenter de passer inaperçus, ils offraient souvent leur tournée générale chez Tim, cela ne leur coûtait pas grand-chose en échange de notre discrétion, vu la fréquentation des lieux. La fois la plus mémorable ce fut l'arrivée en trombe de pas moins de huit harley-davidson, huit couples, seize personnes, je me demande encore comment ils ont tenu dans trois chambres. Mais cette soirée fut inoubliable. C'est que ça boit, ça crie, ça chante mal, mais ça paye des coups aussi... un motard.

Des visiteurs, égarés involontaires ou volontairement égarés, viennent parfois jeter un voile sur la monotonie de nos jours ensablés. Mais ce trader que venait-il faire ici ? Et que voulait-il à notre miss latine ?

Certainement nous la reprendre.

Il suit Luna dans sa chambre. On ne les reverra plus avant la tombée de la nuit.

Philippe Djian - Bleu comme l'enfer


"De temps en temps tu te demandes si tu es dans la bonne direction mais tu oublies parce que tout ton être est fixé sur la route, tu ne te rends même pas compte que tu es debout sur l'accélérateur et tout autour de toi c'est la beauté mélangée à l'horreur." 



 

Arizona Lounge Café

Extrait

Partie 2

C'était une nuit douce qui tombait sur le désert. Le ciel nous dévoilait sa nappe d'étoile comme pour nous narguer d'horizons plus attrayants. Je fis mon entrée dans le bar et allai m'installer sur l'élégante chaise de bar qui avait remplacé mon bon vieux tabouret en bois. Certes, on finissait par avoir mal au cul en fin de soirée, mais il me manquait tout de même. On s'attache à toutes sortes de conneries quand l'habitude finit par avoir raison de votre vie. Le whisky que je ne commandais même plus m'attendait déjà.
Ce fut au moment où je portai mon verre à ma bouche qu'une mélodie inhabituelle vint me quérir. Je ne reconnus pas la patte du vieux Joe mais c'était bien lui qui jouait une sorte de vieux jazz mélancolique accompagné d'une voix sensuelle à la Dinah Washington qui médusa le trop peu d'âmes présentes ce soir-là. Tim n'en revint pas, il avait trouvé la perle qui correspondait exactement à l'image de son lounge café tant rêvé. Il avait un aperçu mais de là à rameuter la clientèle, ce serait vraiment de l'ordre du rêve.

Perles de lecture #4


"Les Rameux noirs" - Simon Liberati



 


Je ne ferai pas de critique de cette dernière lecture, mais j'en tirerai "des perles de lecture". Ni un roman, ni véritablement ce que l'auteur qualifie de "confessions" ou d'"autobiographie" - on apprend cependant beaucoup de sa vie et celle de son père (le poète surréaliste André Liberati) - cet ovni littéraire n'est pas facile d'approche, à croire que Simon Liberati s'est appliqué à lui-même la méthode de "l'écriture automatique" des surréalistes tant il nous transporte entre poésie, récit et mythologie. On se perd, certes. On ne comprend pas tout, certainement, il faudrait des heure de recherches sur le surréalisme, l'orphisme, la mythologie, la théologie... Mais on lit bien Rimbaud sans tout comprendre (Qui oserait me contredire ?), ce qui me fait dire que l'on peut apprécier une lecture sans vouloir, à tout prix, tout comprendre. Comme Rimbaud, que l'auteur n'apprécie pourtant pas, Simon Liberati nous invite à une approche essentiellement subjective de la littérature et de la poésie, à chacun son interprétation.
Mais pour peu que l'on aime se perdre dans un esprit aussi érudit on découvre alors un univers "décadent" où s'ajoute à l'addiction aux drogues et à l'alcool, une addiction à toutes formes d'art (Peinture, poésie, littérature, musique...).

Arizona Lounge Café

Extrait

Partie 1

Elle était assise au même endroit tous les soirs après le show.  À peine la prestation achevée, elle retrouvait son tabouret jamais occupé. Et pour cause, cette place au bout du comptoir juste derrière la colonne du bar, qui oserait s'y aventurer. Pour sûr, Tim nous oublierait et la soif ne serait alors jamais étanchée. Là, où elle était assise, n'importe qui d'autre passerait inaperçu. Mais Tim lui avait déjà servi une flûte de champagne. Elle buvait lentement de peur que n'éclate la profusion de bulles avant qu'elles ne décident de venir mourir d'elles-même à la surface. Sa prestation fut une fois de plus inoubliable. Une musique au tempo lent, un piano juste présent égrainant une mélodie qui n'envahissait pas ses mots, une guitare au solo bien placé dans les pauses de sa voix pour ne jamais la recouvrir, une batterie aux chocs envoûtant et cette voix qui ne devrait jamais s'arrêter de chanter.
Le silence qui mettait un terme à cette voix était une punition.
Tim voulait faire de ce lieu un lounge café, pour y arriver il ne manquait ni de volonté ni d'idées. Il avait réussi à rendre l'ambiance jazzy, les lumières étaient feutrées légèrement bleutées pour ne pas tomber dans le style rétro ringard. La disposition de la salle rendait assez bien. Un salon mi-classe mi-urbain. Il avait viré les éternels meubles en bois qui avaient toujours eu leur place dans le bar, leur préférant un mobilier plus moderne et plus confortable aussi.
Mais voilà, ça ne prenait pas.
Déplacez le " Lotte New York Palace " et plantez-le dans ce désert sans vie, il perdrait aussitôt son cachet. Son café se situe sur une portion de route traversant le désert d'Arizona, hors du trajet qui mène vers le Grand Canyon. Isolé donc, même chose pour les quelques habitations ne suffisant pas à peupler les environs. Nous sommes perdus au milieu du désert comme une ville dans un western, on s'attend à tout moment que des chevelus débarquent dans un nuage de poussières sur des chevaux pour venir nous scalper.

Perles de lecture #3

 

"Des balles et de l'opium" précédé de "Le grand massacre"

Liao Yiwu

 




J'ai reçu ce très beau livre en cadeau de départ, de la part d'un ami s'en allant s'exiler loin de sa famille et de ses amis (très vite pardonné par le projet qui l’honore).
Et ayant une P.A.L (Pile à Lire) assez conséquentes de livres achetés, reçus en cadeau ou prêtés par des amis (cette P.A.L servira bientôt de colonne de soutènement au milieu du salon).
J'ai commencé à parcourir entre deux lectures, les premières pages de ce livre. Je ne connaissais pas l'auteur et son histoire extraordinaire. Un poème en prose, tiré des "Poèmes de prison" que Liao Yiwu écrivit en détention, ouvre le récit sur la révolte de Tian'anmen. Il fut contraint de s'exiler en Allemagne où il continua son enquête sur le massacre en interrogeant les survivants de la manifestation. En consignant ses recherches il gardera la mémoire de cette répression et de l'horreur du régime chinois qui s'abattit sur son peuple et la jeunesse du pays.
Liao Yiwu est devenu l'une des voix les plus importante des opposants au régime chinois.

Ce soir je ne rentrerai pas

Partie 3 (Clara et Alex)

Alex

Le ciel ne m'en veut plus. Sa colère tonnante et électrique cesse. Ne reste plus que ses larmes que les bouches terrestres avalent et qui allaient mettre du temps à sécher. Je marche longtemps, je traverse des quartiers parfois agités, parfois d'un calme troublant.
Les ruelles du quartier Saint-Jean sont vides de son.
Épuisé, je me laisse glisser sous des fenêtres. Mon esprit entre dans une danse qui ne connaît pas d’équivalent, une danse sphérique balayée par le souffle du vent. Mon paquet de cigarettes se vide dangereusement, il faudra tenir jusqu'au petit matin. L'insomnie m'a choisi comme partenaire, ce soir Morphée m'a tourné le dos, ses pavots ont séché. [...]


Clara

Je l'imagine se presser dévalant la rue trempée derrière mes fenêtres. Vide à cette heure de la nuit. Peut-être croisera t-il le tatoué sous le porche qui le proposera sa merde sans effet tellement coupée, même plus capable d'apporter de la folie à nos nuits. Je me réjouis à l'idée que sa came et lui dégouline. Ou peut-être que les psychotropes ont cette capacité de révélation des tourments de l'âme. La magie de l'autre côté du miroir que nous traversions lors de nos voyages érotiques des débuts, a laissé place à une moiteur sombre, un jus avarié dégoulinant de nos corps. Chaque descente de drogue ravivait nos douleurs émotionnelles qui naissaient de notre jouissance coupable. La sentence était tombée, l'acharnement que je mettais dans le combat contre l'érosion de cet amour ne faisait qu'amplifier sa décomposition.
Paradis artificiel éteint, enfer bien réel. [...]

Ce soir je ne rentrerai pas

Partie 2

Clara

_ Putain ! Merde ! Putain de pluie.
Je sors de la douche et me précipite pour fermer les fenêtres. Je n'avais pas entendu la pluie qui s’abattait violemment dans les rues de Bordeaux. Mon matériel hi-fi est trempé, ce serait un miracle s'il fonctionne encore après ça. Dans ma course folle la serviette n'a pas résisté et mon corps nu affronte les gouttes froides comme autant de coups de fouets sur ma poitrine. Sensations déterrées du fond de mes plaisirs abyssaux. Le bout de mes seins se durcissent sous l'attaque humide de cette pluie d'automne. Baisers froids de souvenirs morts. Mes doigts pressent le bouton et le rideau descend en laissant s'échapper des lamentations mécaniques. Songes écartelés, quand la torture se confond avec le plaisir. J'attache ma serviette autour de ma taille et pour me réchauffer, je sors ma bouteille de Jack et fait couler le liquide ambré dans un verre. Je m'assieds sur un coussin au sol, en tailleur. La première gorgée m'incendie et ce choc me pénètre en une fièvre froide, un frisson que je ne peux contenir parcours ma peau de la plume du poète arraché du plumage d'un corbeau. La fraîcheur disparaît lentement, j'ai même un coup de chaleur. Je fixe sans admiration particulière ma poitrine nue dans le reflet de la table basse en verre.
Je me dis que ce soir il ne rentrera pas. [...]

Isabelle Sorente - L

                         "Aimer sans laisser de traces, flamber sans laisser de cendres,
                           être un brasier de joie consumé en silence."