L'aboyeur - Tonino Benacquista

                                      "Remords, encore et encore,

                                        Une vie,

                                        Une même nuit,

                                        Regrets, toujours et plus fort."*





La version Folio de "L'aboyeur" propose deux nouvelles extraites du recueil de nouvelles "Nos gloires secrètes" de Tonino Benacquista. "L'origine des fonds" suivie de "L'aboyeur".

"L'origine des fonds"

Un parolier très fortuné se rend, dans une modeste banque de quartier afin d'y placer, une grosse somme d'argent. Celui-ci se confie alors au banquier et lui raconte son traumatisme, celui qu'il a subi enfant dans une cour d'école. Le directeur ne souhaitant pas le vexer et surtout ne pas laisser filer un client aussi précieux, devient alors le confident malgré lui d'un homme dont il finira par douter de la santé mentale tant il n'était pas disposé à l'écouter.


"L'enfance ! Qui donc se souciaient de l'enfance de ce fou, fût-il génial, et dût-il connaître 
le pape !"

Cet homme, à un rapport avec l'argent totalement dépourvu d'intérêt, il préférait de loin la création, le travail accompli et ne retirait aucun plaisir dans la consommation.

"Concevoir, élaborer, fabriquer lui procurait toutes sortes de satisfactions. Consommer, aucune."

Tonino Benacquista arrive à retranscrire, dans ce court récit, le caractère dépressif du personnage et l’ambiguïté du rapport de l'homme fortuné face à un interlocuteur quasiment prisonnier d'un discours auquel il ne souhaite vraiment pas participer.
 
 "Les banquiers sont pragmatiques, terre à terre, ils souffrent d'un grand manque de lyrisme, ils ne sont pas préparés à écouter la plainte du poète meurtri !"

Mais plus que tout, on habite non seulement l'esprit, mais jusqu'à le corps même du personnage on subit le mutisme causé par son traumatisme, son agoraphobie qui le conduira inévitablement à cet être dépressif jusqu'au moment de la rédemption.


"L'aboyeur" 

Qui sommes-nous aux yeux de tous ces gens que nous côtoyons ?
Quelle image renvoyons-nous à autrui ?
Les personnes nous aiment t-elles autant que nous les aimons ?

Toutes ces questions Christian Grimault n'y avait jamais été confronté, richissime homme d'affaire à la tête de "Grimault technologie", il avait su s'entourer d'une liste de personnes de la haute société, sa seule présence auprès d'eux leur apportait le prestige. Il entreprit pour fêter ses cinquante ans d'organiser la soirée qui marquerait ses convives d'un souvenir impérissable. Et cela dans son hôtel particulier classé monument historique. Tout avait été savamment organisé, cette fête aurait le cachet d'antan, mets exceptionnels, quatuor à corde, grands crus... il avait embauché pour l'occasion un aboyeur. 
Après tant d'efforts, le soir venu absolument personne ne viendra.

"Il était temps de mesurer le chemin parcouru. De me faire une idée de celui que je suis devenu. 
Ce soir, j'ai ma réponse"

S'en suit alors une véritable réflexion sur le sens de l'amitié, le rapport, plutôt l'illusion du rapport que nous consentons à accepter dans une vie où les gens qui vous entourent ne sont pas vraiment ce qu'ils laissent apparaître. La réflexion va bien au-delà du sens que l'on donne à l'amitié, sa place ou son importance dans notre quotidien, il est aussi question de son essence. Une véritable discussion philosophique va alors se tenir jusqu'au bout de la nuit entre Christian et l'aboyeur.

"Je sais désormais qu'il y a quelquechose de bien plus précieux qu'une amitié qui dure. C'est une amitié ratée.
Celle d'un soir, fortuite, improbable. Sans histoire, sans passé. Celle qui n'a pas le temps de s'interroger sur son bien-fondé, celle qui n'a aucun compte à rendre. Volatile, déjà dissoute."

Qu'est-ce qui pourrait bien sauver cette soirée qui avait prit une allure des plus sordide ?
Si bien que l'on finit par éprouver de la pitié pour cet homme.

"Il [L'aboyeur] se souviendrait longtemps de cette étrange soirée où il n'avait annoncé personne mais où il avait assisté à un exploit : Un homme seul en avait fait fuir cinquante." 

Mais finalement tout ceci ne sert qu'une chose: sommes nous capable de nous remettre réellement en question ? Que sommes-nous finalement devenus ?


Toniono Benacquista - L'aboyeur
(Folio - 2015)



*Al Séraphe - "L'épuisement"