L'épuisement

Extrait


Le crissement des feuilles sous les pneus, une mélodie morbide, des craquèlements comme autant de petits os quel 'on broie. Sous un lit de feuilles mortes repose un ossuaire de souvenirs putrescibles. Je sors de la voiture et le bruit continue sous mes pieds, je foule un tapis fragile rouge, jaune et brun, et cette symphonie de plaintes m'accompagne jusqu'à l 'entrée de ce petit chalet. Le charme agissait encore. Je laisse tomber ma valise sur les planches de l'entrée. Je n'ouvre pas, je marque une pause comme pour admirer une personne qui nous a manqué, se rassurer que le temps n'a pas usé la beauté restée intacte dans nos souvenirs. La construction traditionnelle de cette fuste d 'une élégance alpestre m'avait conquis. Ce refuge est situé sur les hauteurs d 'un hameau qu'il domine fièrement. Il se laisse posséder par la forêt dense en été, squelettique en hiver et agonisante en ce début d'automne. On l'avait posé là, imperceptible presque irréel. J'entre dans le petit salon, tout n'est que bois et poussière, un mémorial. Mon bureau face à la fenêtre garde précieusement un organisateur de bureau, un vieux porte-plume Sergent-Major, des carnets d'écriture et ma platine vinyle une Rega Planar 3, un petit bijou de la fin des années soixante-dix. J'ouvre le couvercle,un trait lumineux de particules de poussière danse une valse comme une prémonition douloureuse.



 Al Séraphe - Fulgure... puis la nuit ! - "L'épuisement"