Les bonbons chinois - Mian Mian


  "Nos corps côte à côte subissent le sort des mitrailles. 

Chaque illusion de bonheur se heurte au passé et sa muraille."*




                                         





 Ce roman est un véritable terrain miné, chaque paragraphe cache une bombe qui vous explose le cœur. Dans le même temps s’y dégagent des saveurs d’orient qui relance votre palpitant et fait couler le miel sur des mots pourtant douloureux. L’infime espoir de Xiao Hong – cette héroïne écorchée vive et désabusée – ne réside que dans sa capacité à se révolter dans un pays qui réprime les libertés individuelles.
Cette jeune Chinoise voudrait vivre l’amour à la manière d’une chanson de Rock. Cette chanson ressemblerait à une chanson des “Doors” ou de “Radiohead”.
Cette passion serait dure et triste comme le quotidien de notre Chinoise.
Coûte que coûte elle fait sienne le fameux slogan : "Sexe, Drogue & Rock'n'roll" et y ajoutent même "Folie et Poésie".


Tout démarre par une tragédie, le suicide de la meilleure amie de Xiao. C’est alors qu’elle quitte "Shanghai la dépravée" pour Pékin. Commence alors un voyage où chaque rencontre est un pas de plus vers ce destin funeste qui la guette.
D’appartements en bars et de ruelles sombres en hôpitaux. La vie de Xiao est celle d’une "génération perdue" d'une jeunesse chinoise écartelée entre révolutions culturelles et privations mentales. Une jeunesse qui hurle dans les bas fonds des villes parfois modernes et parfois si grossières. Nous croisons des intellos en perditions, des voyous de pacotilles, de vrais mafieux, une police corrompue et des anarchistes chantant leur rébellion aux étoiles.

Cette jeune chanteuse crache son mal de vivre dans les bars entre deux cocktails avant de rejoindre son amour qui se shoote.

" Sa guitare sèche rendait un son clair et naturel mais ça débordait d’héroïne, à en glacer l’univers."

Le roman se poursuit ainsi dans les profondeurs de l’âme de Xiao entre doux moments et des longues nuits de débauche. Des personnages nihilistes qui sombrent dans une douleur d'encre... de Chine.
Jamais la jeunesse chinoise n'aura été aussi bien conté. Nous découvrons avec notre vision européenne une génération asiatique qui nous ressemble entre rêves et débauches, révoltes et renoncements, une jeunesse authentique... universelle.


Le livre, à sa sortie en 2000, a fait polémique, sa première édition sous le titre de "Tang” a été censuré et interdite en Chine. La version sous le nom "les bonbons chinois" a été modifié et pour notre plaisir augmenté. La censure ne passera pas…

Cette auteure est plus que recommandable, elle est indispensable aux amateurs de la littérature qui dénonce sans peur et qui ne s'autocensure pas.


Quelques bonbons :

"La nuit est mon trésor, si je sors le soir j'entends qu'elle m'offre à la fois une occasion particulière, une intrigue dramatique et le délicieux sentiment d'une réciprocité avec un être humain."

"Il disait que vivre était souffrir et que ça vous procurait une liberté infinie quand vous aviez compris ça." 

 "La lune était mon soleil, elle venait dans ma chambre me montrer à quel point j’étais déprimée."

"Si je l’aimais . C’est quoi, aimer . Parfois il était mon soleil, parfois une dague qui me perçait le cœur. Je ne sais pas si c’est ça, l’amour."


"Les roses ont des épines, l’amour aussi. Quand tombent les pétales, ce sont les larmes d’une veuve."


L’écriture de Mian Mian a ce plus, cette force de l’image dans le récit. Les métaphores sont sublimes et d'une poésie poignante. Un roman où chaque mot est à savourer à la manière d’un bonbon chinois et nous en redemandons et redemanderons jusqu’à la fin et même au-delà…


Mian Mian – Les Bonbons Chinois
(Éditions de l'Olivier / Le Seuil - 2001)


 *Al Séraphe - "Prose pour une rose"